6. La conception et la planification d’une infrastructure inclusive : des acquisitions aux systèmes technologiques et à l’environnement bâti

NSA 2022 - panelist images: Inclusive Infrastructure Design and Planning: From Technology Systems and the Built Environment to Procurement

La troisième séance a traité d’une série de services liés aux environnements technologiques et physiques. Elle a été consacrée à la technologie numérique, aux tendances actuelles et émergentes de la technologie numérique et de l’environnement bâti et aux obstacles qu’elles créent pour la pleine participation des étudiants, des professeurs et des membres du personnel. Les panélistes ont également exploré l’importance de mettre au point et d’adopter des politiques d’achat accessibles, afin que les établissements créent bel et bien des infrastructures et des lieux de travail, des lieux d’apprentissage et des espaces accessibles.
 

Les problèmes d’accessibilité dans des environnements technologiques

Le recours à la technologie peut rendre l’apprentissage plus accessible et plus flexible. La technologie d’assistance désigne des outils et des appareils utilisés par des personnes ayant des handicaps pour accéder à l’information et exécuter des tâches en toute autonomie.

Il existe une foule d’exemples de technologies et de logiciels traditionnels dotés de fonctions d’accessibilité intégrées, qui ne sont donc pas des modules complémentaires ou des technologies spécialisées. On les trouve, entre autres, dans Office 365, Adobe Acrobat Pro, les livres audio, les publications électroniques et les technologies mobiles. Ces dernières années, le recours à l’intelligence artificielle (IA) s’est multiplié dans les technologies d’usage général et a ainsi contribué à l’accessibilité. Soulignons le sous-titrage vidéo, le sous-titrage dans Teams et Zoom, la synthétisation vocale et la prédiction vocale dans Office 365, la voix pour les outils de recherche dans Google, le contrôle des ordinateurs à l’aide des commandes vocales, la recherche dans Google adaptée à l’utilisation des caméras des téléphones cellulaires et les applications de soutien psychologique par l’IA.

Cependant, des obstacles technologiques demeurent dans le milieu postsecondaire, y compris l’inaccessibilité des logiciels d’analyse des données et des bases de données des revues révisées par un comité de lecture, particulièrement pour les étudiants en sciences, en technologie, en génie et en mathématique. Les logiciels et le matériel de technologie d’assistance continuent d’être coûteux. De plus, les évaluations universitaires peuvent créer des obstacles (comme les examens à durée déterminée), les professeurs continuent de préparer des documents et du matériel inaccessibles, et les logiciels francophones sont souvent désuets.

La réalité virtuelle et augmentée a également évolué, mais on ne sait toujours pas si elle fonctionnera bien pour les étudiants ayant des handicaps. La télécollaboration, qui permet à des étudiants de faire des voyages virtuels dans des lieux réels, devient plus courante. Les lunettes intelligentes sont dotées d’affichages frontaux qui fournissent des données et répondent aux commandes vocales et seront bientôt compatibles avec le langage des signes. Les étudiants ayant des handicaps pourraient aussi utiliser des robots pour réaliser des expériences. Toutes ces technologies en sont à diverses étapes de développement et d’adoption, mais elles ont le potentiel d’aider les étudiants, les professeurs et les membres du personnel qui ont des handicaps. Fait important, il faut évaluer si ces technologies sont mises au point conformément aux conseils et aux commentaires de personnes ayant des handicaps.

Les outils technologiques comme les vérificateurs d’accessibilité (dans Office 365, par exemple) peuvent détecter avec fiabilité certaines pratiques inaccessibles, y compris les erreurs de transfert aux textes alternatifs ou aux descriptions d’images. Ils ne sont toutefois pas fiables pour saisir les grossissements d’écran ou les erreurs de couleur ou de contraste d’écrans. De plus, accessibilité et ergonomie ne sont pas synonymes. Les systèmes en place sont souvent créés par des communautés non handicapées et dépendent souvent de l’automatisation pour en confirmer l’accessibilité. Autrement dit, certaines technologies réussiront un test d’accessibilité, mais échoueront au test d’ergonomie effectué par un membre de la communauté des personnes handicapées. Les plateformes de sondage en sont un bon exemple; si leur accessibilité n’est pas confirmée, elles ne recevront pas les commentaires d’usagers ayant des handicaps.

Par ailleurs, les logiciels francophones ont souvent du retard sur les logiciels anglophones, particulièrement à l’égard des fonctions d’accessibilité. En effet, ces fonctions sont souvent mises au point aux États-Unis et non au Canada. De plus, les étudiants ayant des handicaps, notamment ceux qui ont des déficiences visuelles, peuvent se procurer des manuels (souvent tard au cours du semestre), mais doivent acheter eux-mêmes le matériel de référence pour obtenir une version accessible. Ce peut être très coûteux.

Certaines technologies adaptatives font foi d’idées préconçues sur les usagers (comme la technologie de synthèse vocale qui fait seulement entendre des voix masculines). On a éprouvé de la difficulté à entraîner l’IA pour que la reconnaissance faciale repère les personnes noires ou racisées et pour que les voitures sans chauffeur reconnaissent les personnes en fauteuil roulant qui traversent la rue. L’explication provient souvent d’une absence de diversité dans les équipes de conception. Ainsi, des personnes de toutes les origines et des toutes les capacités doivent absolument contribuer à l’entraînement des systèmes d’IA. Cette absence de diversité justifie d’autant plus l’importance des points de vue de personnes représentant une diversité de genres, d’âges et de capacités pour créer une politique d’achat accessible. 

Ce que nous avons appris sur le plan de l’accessibilité dans nos établissements, c’est que le véritable changement vers l’inclusion exige toujours plus de points de vue des personnes actuellement exclues. – Kate Clark

Les obstacles à l’accessibilité et les lacunes en matière de planification dans l’environnement bâti

Il reste également des obstacles à franchir dans l’environnement physique. Les édifices de nombreux campus ont quelques centaines d’années. Ils ont été construits alors que les usagers étaient des hommes blancs sans handicaps et n’incluaient pas la communauté diversifiée qui fréquente ces édifices aujourd’hui. Les édifices ne sont toujours pas conçus pour des aides à la mobilité comme les fauteuils roulants. Ainsi, les étudiants, les membres du personnel et les professeurs ne peuvent toujours pas pénétrer dans les immeubles, les classes, les toilettes, les étages ou les sentiers entre les édifices. Ceux-ci doivent également être conçus pour les personnes qui ont des troubles de mobilité, des troubles sensoriels et des troubles d’apprentissage.

On constate un manque de bourses, de planification et de pratiques d’accessibilité. Les pratiques exemplaires sont plus courantes dans les secteurs de la santé, notamment les handicaps physiques en ergothérapie, les secteurs du génie et de l’architecture. Ces secteurs abordent souvent l’accessibilité par le biais d’édifices en particulier et de la technologie, et souvent selon le point de vue de l’adaptation. Cependant, dans bien des cas, ces secteurs ne tiennent pas compte de l’accessibilité communautaire. Autrement dit, ils oublient souvent les expériences individuelles des personnes les plus touchées par les problèmes d’accessibilité.

Une critique des politiques et pratiques d’achat

Les panélistes insistent : les établissements doivent se doter de politiques d’achat accessibles et rigoureuses, si ce n’est pas déjà le cas. Les établissements postsecondaires doivent s’intéresser davantage à l’achat et à la mise en oeuvre de systèmes et plateformes technologiques. Les systèmes de gestion de l’apprentissage (SGA), par exemple, sont conçus pour les étudiants, mais ce sont souvent les professeurs et les membres du personnel qui doivent y saisir l’information. Cependant, bon nombre de ces systèmes ne sont pas dotés d’un processus de formation rigoureux pour les professeurs et les membres du personnel qui devront les utiliser. De même, l’accessibilité de ces systèmes est souvent confirmée par les étudiants, mais pas par les professeurs et les membres du personnel qui ont des handicaps. Un panéliste a remarqué que ce processus est un exemple de capacitisme. Lors de l’achat de services et de technologies, il est important de tenir compte de tous ceux qui utiliseront ces produits.

Une politique d’achat accessible doit prévoir tous les documents administratifs et le matériel de conformité dans le cadre du processus de demande. De plus, ces produits doivent d’abord être validés par une organisation. Bref, tous les achats d’un établissement doivent d’abord être vérifiés pour s’assurer qu’ils respectent les exigences d’accessibilité des étudiants, des professeurs et des membres du personnel.
 

 


 

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