4. Le leadership institutionnel, la prise de décision et la planification

4.1 Les structures décisionnelles

4.1.1 Remédier à la rareté des dirigeants noirs

Les participants remarquent la rareté des dirigeants noirs dans les établissements postsecondaires du pays et réclament des efforts intentionnels pour en accroître le nombre, non seulement entre les unités, mais à divers échelons de la direction. Ils préconisent une plus grande responsabilisation et des communications ouvertes pendant les processus de sélection à des postes de hauts dirigeants dans l’ensemble du secteur.

4.1.2 Changer la culture institutionnelle et éduquer les hauts dirigeants

Selon les participants, les établissements s’appuient sur un héritage colonial et conservent des structures néfastes pour les communautés noires. Ils soutiennent que les établissements postsecondaires ont tendance à prioriser et à privilégier des structures qui normalisent la suprématie de la culture blanche dans les lieux institutionnels et les hiérarchies. Plusieurs se disent inquiets que les personnes en position de leadership et d’influence (p. ex., conseil d’administration, comité de direction, etc.) aient la responsabilité d’agir à l’égard du racisme anti-Noir, mais possèdent rarement assez de connaissances sur les enjeux historiques et actuels s’y rapportant. Cette absence de connaissances nuit à la perception, à la défense et au traitement des enjeux.

Pour éviter cette situation, les établissements doivent adopter des structures et des pratiques inclusives qui reflètent les communautés qu’ils servent. Il est également souligné que les dirigeants blancs devraient reconnaître le pouvoir, le privilège et la place qui viennent avec la couleur de leur peau. Les participants recommandent qu’une formation soit donnée aux hauts dirigeants selon une perspective antiraciste, y compris des points de vue tirés de la théorie critique de la race. Cette formation contribue à éclairer la création de compétences mesurables, de structures de responsabilisation, de présentation des résultats et de programmes de récompenses qui favorisent la réussite des étudiants, des professeurs et du personnel noirs. Pour ce faire, il faudra embaucher des formateurs, des enquêteurs en milieu de travail, des professionnels en ressources humaines et d’autres intervenants qui possèdent des compétences et des expériences vécues appropriées.

4.1.3 Définir « l’excellence » au sein de l’établissement

Le terme « excellence » est repris dans plusieurs échanges. Nombreux sont ceux qui pensent qu’il doit être déconstruit et redéfini pour devenir inclusif et refléter les atouts, les expériences et l’apport des Noirs. Les participants trouvent nécessaire de remettre en question les pratiques et les politiques qui forcent les Noirs à s’assimiler aux structures établies et qui placent les étudiants, les professeurs et les communautés noirs dans un modèle déficitaire d’appartenance à la culture noire. Il est proposé que les établissements s’inspirent d’initiatives et de structures déjà en place (p. ex., Plan d’action en matière d’équité, de diversité et d’inclusion de Chaires de recherche du Canada et recommandations de la Commission de vérité et réconciliation du Canada) pour orienter leurs approches en faveur de l’excellence inclusive.

4.1.4 Créer des structures de responsabilisation et des outils d’évaluation publics

Les participants jugent nécessaire que les comités de direction et les conseils d’administration des établissements postsecondaires se responsabilisent et responsabilisent leurs administrations par l’obligation de livrer la marchandise et de rendre compte des mesures prises, y compris des échéanciers stricts. Il faudrait inclure la création d’un outil d’évaluation public, qui démontrerait la capacité des établissements à respecter des objectifs ou des cibles établis. Les résultats de ces objectifs pourraient dépendre de l’ajout d’un mécanisme de responsabilisation, sous forme de mesure d’analyse de la performance de la haute direction.

Les participants sont d’avis que les hauts dirigeants doivent se faire les porte-parole de l’équité au sein des organismes décisionnels. De plus, le travail sur le racisme anti-Noir devrait être soutenu par des engagements institutionnels pour parvenir à un sentiment de responsabilisation partagée. Les participants énumèrent les avantages de processus récurrents qui analysent et examinent les pratiques exemplaires dans les structures décisionnelles équitables d’établissements comparables. Ils recommandent que les principes d’équité, de diversité et d’inclusion et que les engagements qui s’y rapportent soient intégrés aux stratégies institutionnelles. Ils ajoutent qu’à l’avenir, les futurs politiques, déclarations et codes de conduite des établissements énoncent explicitement leur engagement envers la justice sociale et les droits de la personne. De plus, la mise sur pied de mécanismes de plainte efficaces garantira un résultat équitable et aidera les établissements à s’améliorer. Ils proposent également que la Charte de Scarborough soit révisée régulièrement et rajustée pour refléter les nouvelles difficultés à mesure qu’elles se déclareront sur les campus.

4.1.5 Aspirer à la diversité dans la représentation des Noirs

Il est souligné qu’en elle-même, la représentation des Noirs ne suffit pas. Elle n’absout pas l’établissement de sa responsabilité de dénoncer les pratiques anti-Noir à l’égard de la diversité complexe des universitaires noirs. D’après les participants, les établissements présument que les communautés noires sont homogènes. Ce point de vue inexact doit être pris en compte et corrigé avant que des décisions soient prises au profit des personnes et des communautés noires. Les membres diversifiés des communautés noires doivent participer aux structures décisionnelles pour garantir des possibilités, un soutien et une réceptivité appropriés aux besoins de tous les membres de ces communautés hétérogènes. Nonobstant l’importance de l’intersectionnalité, les participants font une mise en garde contre l’utilisation excessive ou déloyale de l’intersectionnalité dans les structures décisionnelles, au point où elle pourrait paralyser ou saper les progrès à l’égard des enjeux fondamentaux du racisme anti-Noir et de l’inclusion des Noirs dans les établissements.

4.1.6 Faire participer et consulter les étudiants noirs

Les participants remarquent que les intérêts des étudiants doivent être au coeur des structures décisionnelles pour des changements structurels et systémiques, et que les étudiants devraient occuper une place concrète dans la structure de gouvernance de l’établissement. Une approche orientée par les étudiants à l’égard des initiatives de rayonnement, par exemple, peut contribuer à contrer les perceptions d’élitisme, à corriger l’écart entre les établissements et les communautés où ils sont situés et à créer des trajectoires d’accès aux étudiants et de réussite. Un véritable engagement exigerait la tenue d’échanges communautaires spécialisés qui permettront aux étudiants noirs de donner des points de vue précieux lors des décisions alors qu’ils collaborent avec l’administration des universités, les associations de professeurs, les syndicats d’employés et les groupes d’étudiants. Enfin, les mécanismes de responsabilisation et les mesures de réussite pour réaliser des objectifs doivent être définis en collaboration avec les étudiants noirs et avec leur appui.

4.1.7 Renforcer des portefeuilles en matière d’équité, de diversité et d’inclusion et y affecter des ressources

Les participants demandent que les portefeuilles en matière d’équité, de diversité et d’inclusion soient dotés de ressources suffisantes. Ces bureaux sont souvent sous-financés et en sous-effectifs et n’ont pas les pouvoirs requis pour apporter les changements nécessaires. Les engagements institutionnels envers l’équité, la diversité et l’inclusion ne doivent pas être limités au travail des collègues responsables de ces portefeuilles, mais doivent être intégrés à tous les aspects de la mission de l’établissement et se trouver au coeur du mandat de chaque portefeuille.

Pour obtenir ce résultat, il est proposé que les principes d’équité, de diversité et d’inclusion et que les attentes s’y rapportant fassent partie des processus d’assurance qualité, des révisions de cursus et de programmes et des évaluations du rendement de tous les employés, y compris la haute administration. De plus, il est proposé de mettre sur pied un indice sectoriel d’équité, de diversité et d’inclusion pour mesurer l’excellence des établissements en matière d’inclusion. Cet indice incorporerait des critères pour évaluer le caractère concret des mesures qu’adopte un établissement pour contrer le racisme systémique et le racisme anti-Noir et pour évaluer les effets des initiatives connexes.

 

4.2 La collecte de données

4.2.1 Utiliser les pratiques appropriées de collecte et de rétention de données longitudinales, axées sur la race

La nécessité de recueillir des données longitudinales sur la race et d’adopter des pratiques de rétention pour soutenir la prise de décision et les actions en enseignement supérieur est soulignée dans divers dialogues. En enseignement postsecondaire, les efforts à petite échelle pour amasser des données sur les groupes marginalisés font ressortir un sentiment d’isolement et d’être une cible. De plus, il est crucial de faire entendre la voix des membres noirs qui possèdent des identités intersectionnelles, afin de constater les effets de cette identité sur leurs expériences en milieu postsecondaire.

Il est établi clairement que, par l’utilisation de données pour faire progresser les changements institutionnels, il est impératif que les expériences et les histoires de ceux qui ont partagé l’information soient estimées et protégées. La collecte et l’analyse des données non regroupées des établissements et des associations professionnelles pertinentes peuvent favoriser la création d’initiatives liées au racisme anti-Noir qui sont bien ancrées dans les établissements par rapport aux bureaux sur l’équité des campus.

4.2.2 Mettre en oeuvre une responsabilisation communautaire

Les participants soulignent que les établissements doivent être responsables des diverses communautés qu’ils servent. Certains font ressortir l’importance d’utiliser des porte-parole communautaires externes. Il est souligné que les établissements ne sauront pas si les mesures et les solutions proposées pour réagir au racisme anti-Noir fonctionnent, à moins que les communautés puissent fournir des commentaires continus, qui éclairent la prestation et l’adaptation des programmes.

4.2.3 Mettre en oeuvre une communication améliorée des données et du partage des connaissances

Pour maintenir les communautés engagées et les établissements responsables, il est utile de mettre sur pied des voies de communication et des carrefours en ligne pour partager des mises à jour régulières sur des données et des initiatives connexes. Par exemple, l’intégration d’actions proposées aux plans stratégiques institutionnels, éclairées par les données, favorise une responsabilité partagée et associe des initiatives dans l’ensemble des campus à des indicateurs de performance clés qui encouragent une responsabilisation partagée. De plus, il est recommandé que le résultat des Dialogues nationaux soit un système de responsabilisation coordonné dans le secteur postsecondaire, selon lequel les établissements partagent publiquement des rapports annuels sur les données axées sur la race et soulignent les cibles des initiatives, les calendriers et les progrès vers la réaction au racisme anti-Noir.

4.2.4 Recourir à des ressources et réseaux provinciaux

Selon les participants, les établissements postsecondaires doivent collaborer avec les gouvernements provinciaux pour établir des normes de données communes. Cette collaboration appuiera les prises de décision reposant sur des données tirées d’initiatives liées à l’inclusion des Noirs et au racisme anti-Noir et corrigera les lacunes en place. Dans le secteur, il est essentiel d’instituer des valeurs, des actions et des principes communs au sujet de la collecte et de l’utilisation des données, de manière à éclairer les politiques et à soutenir les services pour éliminer les obstacles qu’affrontent les membres des communautés noires.

4.2.5 Recourir à des données quantitatives et qualitatives pour corriger les iniquités

Les participants soulignent que le type de données recueillies doit être déterminé par un engagement authentique et intentionnel à aborder les iniquités que vivent les étudiants, les professeurs et le personnel noirs. Des exemples sont évoqués, comme les données sur le recrutement, les différences salariales et le soutien et progrès professionnels et universitaires. Ce phénomène jettera les bases d’un portrait plus net des expériences des Noirs à tous les échelons, afin de mieux éclairer les structures et initiatives décisionnelles.

 


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